Un peu d’histoire
Cette pâte feuilletée a été adoptée par les Romains, qui l’ont diffusée au gré de leurs conquêtes. Elle s’est établie jusqu’à Byzance, conquise en 330 après J.-C. et renommée Constantinople (l’actuelle Istanbul), et a rapidement été adoptée par les Arabes, qui l’ont à leur tour répandue dans tous les territoires qu’ils ont visités. À cette époque, il s’agissait de très fines galettes croustillantes, superposées et séparées par une légère couche de crème.
Table des matières
Le feuilletage, élaboré à l’huile, était déjà utilisé par les Grecs et les Arabes. Ce sont les croisés qui l’ont introduit en France et en Autriche. Il est à l’origine de nombreuses pâtisseries renommées depuis le Moyen Âge, telles que le strudel, le baklava, le pithiviers ou le vol-au-vent. Cependant, ce feuilletage était réalisé « feuille à feuille », par simple superposition de couches successives de pâte et de matière grasse.
La pâte feuilletée telle que nous la connaissons aujourd’hui, obtenue par des pliages successifs, daterait du XVIIe ou XVIIIe siècle. On attribue parfois son invention à Claude Gellée, surnommé le Lorrain, qui, alors apprenti pâtissier, aurait voulu créer un pain spécial pour son père. D’autres sources la créditent à Sylvain Feuillet, un pâtissier au service du prince de Condé.
Cette technique culinaire a été perfectionnée par Antonin Carême au XIXe siècle.
Ainsi, au IXe siècle, elle atteint l’Espagne et le sud-ouest de la France, donnant naissance à des mets tels que le pastis, la croustade et la pastilla.
Cependant, deux siècles plus tard, la pâte feuilletée prend une nouvelle direction, toujours en provenance du Moyen-Orient. Les croisés l’introduisent en France tandis que les Turcs l’implantent en Autriche, un pays qu’ils ont envahi.
La version la plus fréquemment relatée de cette histoire est la suivante : durant une nuit de 1683, pendant le siège de Vienne par les Turcs, des boulangers viennois entendant le bruit des troupes ennemies donnèrent l’alerte, permettant ainsi de repousser l’assaut. En reconnaissance de leur bravoure, il fut accordé aux boulangers le privilège de créer une pâtisserie spéciale pour commémorer cet événement. La forme du croissant inspirée du drapeau ottoman fut choisie. L’introduction du croissant à la cour française serait attribuée à Marie-Antoinette, qui arriva d’Autriche en 1770. Toutefois, cette version est contestée : il semblerait qu’un petit pain en forme de croissant ait déjà existé en Autriche dès le XIIIe siècle sous le nom de kife. C’est Auguste Zan qui a introduit le croissant en France en 1839 lorsqu’il ouvrit sa « boulangerie viennoise ». Son succès fut immédiat et la fabrication du produit se propagea rapidement dans les boulangeries françaises au point que le croissant fut considéré dès 1850 comme un produit français. Le croissant du XIXe siècle était confectionné non pas avec de la pâte feuilletée mais avec une pâte riche contenant (comme pour le pain viennois) une part de lait. En 1875, il est mentionné que les boulangers vendent des croissants et que les Parisiens les consomment avec leur café. Il faudra attendre encore une trentaine d’années pour voir apparaître une recette de croissant à base de pâte feuilletée : ainsi naquit le « croissant au beurre ».
Ok, le cours d’histoire est fini, passons à ce qui nous intéresse vraiment.
Passons à la technique !
La farine, de préférence de gruau riche en protéines, joue un rôle essentiel en tant qu’agent de texture et de liaison. La quantité de matière grasse dans la détrempe est déterminante pour la qualité et la finesse du produit final, variant entre 200 g et 300 g par kilo de farine. Elle permet d’assouplir la pâte lors du pétrissage, réduisant son élasticité et facilitant le pliage, tout en apportant moelleux et finesse après cuisson.
La matière grasse utilisée pour le tourage, grâce à son élasticité et à son point de fusion élevé, contribue à créer un excellent feuilletage. Il est crucial de prêter attention à la température de fusion, qui peut varier : certains beurres fondent à 25 °C, tandis que d’autres le font à 29 °C ou moins, notamment ceux des grandes surfaces.
Il est déconseillé de réduire la quantité de matière grasse par souci d’économie, car cela impacte non seulement la qualité gustative du produit fini, mais aussi le développement optimal de la pâte lors de la cuisson.
En ce qui concerne le liquide, la pâte levée feuilletée se caractérise par une hydratation de 50 à 55 %, selon la qualité de la farine, utilisant de l’eau, du lait et/ou des œufs entiers. Il est préférable d’utiliser une quantité égale d’eau et de lait, mais il est également possible de remplacer tout ou partie du liquide par des œufs entiers, notamment pour la brioche feuilletée.
Le sel est un élément crucial ; il est recommandé d’utiliser du sel gris non transformé chimiquement.
On peut ajuster la quantité de sel en fonction des saisons : en hiver, il est conseillé de diminuer à 18 g/kg pour accélérer la phase de fermentation, tandis qu’en été, il est préférable d’augmenter à 22-23 g/kg pour ralentir ce processus.
Concernant l’œuf, selon les recettes, on vise une hydratation d’environ 60 %.
En ce qui concerne le sucre, le dosage maximum recommandé est de 150 g/kg. Toutefois, beaucoup choisissent de réduire cette quantité ; personnellement, j’utilise 80 g par kilo. Il est possible de remplacer 5 à 10 % du poids du sucre par du sucre inverti, qui favorise la rétention d’eau et maintient le moelleux de la pâte, surtout en cas de congélation. Son pouvoir sucrant est supérieur à celui du sucre classique et il est directement fermentescible par les cellules de levure.
Enfin, la levure biologique agit comme agent fermentaire dans la pâte. Son dosage varie en fonction du temps de travail et de la température ambiante, se situant entre 5 g et 40 g par kilo de farine.
La réalisation
La réalisation
- Tamiser la farine.
- Délayer la levure dans une partie de l’eau prévue pour la recette afin de faciliter une incorporation homogène dans la pâte. Utilisez de l’eau tiède s’il fait froid et de l’eau froide s’il fait chaud. Il est également possible d’émietter la levure directement dans la farine en cas de pétrissage prolongé. Dans tous les cas, assurez-vous que l’eau, la farine et la température totalisent entre 45 et 48 °C.
- Mélanger dans la cuve du batteur l’eau, la levure, la farine, le sel, le sucre et le beurre pommade. Évitez le contact direct du sel et du sucre avec la levure pour limiter les risques de dessèchement et préserver son pouvoir fermentaire. En cas de chaleur ambiante, entreposez le liquide au frais pour compenser l’échauffement pendant le pétrissage et prévenir une activation prématurée des levures.
- Fraser à petite vitesse pendant 2 à 3 minutes afin de répartir uniformément l’eau et la levure sans provoquer d’échauffement prématuré. Ajustez la quantité d’eau et/ou de farine selon la texture de la pâte et la qualité de la farine ; le taux d’hydratation moyen doit être de 55 %.
- Pétrir en fonction de la quantité de matière grasse dans la détrempe et de la qualité de la farine : si peu de matière grasse et/ou une farine forte, pétrissez à petite vitesse sans corser pendant 2 à 3 minutes. Si beaucoup de matière grasse et/ou une farine faible, pétrissez et corsez la pâte pendant 6 à 10 minutes en première ou deuxième vitesse jusqu’à ce que la pâte se détache des parois de la cuve. Vérifiez si nécessaire la température en fin de pétrissage ; elle doit idéalement se situer entre 23 °C et 25 °C pour favoriser l’activité des levures.
- Déposer la pâte dans un cul-de-poule adapté, couvrir au contact avec du film plastique et laisser lever pendant 15 à 30 minutes, maximum 1 heure, pour permettre aux levures de fermenter. Évitez une température supérieure à 27 °C afin de réduire le risque de fonte des matières grasses et limiter une suractivation des levures qui pourrait entraîner un affaissement de la pâte.
- Rompre la pâte sur un marbre fleuré, en veillant à ne pas ajouter trop de farine qui pourrait raffermir la pâte.
- Étaler la pâte sur une plaque en une fine couche, couvrir au contact avec du film plastique et placer au réfrigérateur pendant 2 à 3 heures, voire jusqu’à 12 heures.
- Assouplir au rouleau le beurre de tourage pour qu’il ait une texture similaire à celle de la détrempe, ce qui facilitera les pliages successifs.
- Abaisser la détrempe en un rectangle deux fois plus grand que celui du beurre et ayant la même largeur. Déposer le beurre au centre du rectangle de détrempe, replier la pâte sur le beurre sans superposition et souder les bords. La pâte doit être à 6-8 °C et le beurre à 13-15 °C.
- Abaisser le pâton à une épaisseur régulière sans écraser, en formant un rectangle quatre fois plus long que large pour un tour double, ou une fois pour un tour simple. Farinez légèrement et fréquemment le plan de travail, en éliminant l’excédent de farine entre chaque tour avec une brosse à farine. Privilégiez les tours doubles pour gagner du temps : un tour double équivaut à un tour et demi simple. Tournez le pâton d’un quart de tour avant d’abaisser pour réaliser un nouveau tour double.
TOURAGE :
Le nombre de tours varie selon le type de pâte utilisée (notamment si elle est souple ou raide).
Les types de tours les plus couramment utilisés sont :
- Un tour simple suivi d’un tour double (ou portefeuille).
- Trois tours simples.
- Deux tours doubles (ou portefeuille).
Quelle est l’utilité du tourage ?
Le principe du tourage repose sur le pliage en superpositions successives de couches de pâte et de matière grasse.
Grâce à cette technique, on obtient une viennoiserie fondante à l’intérieur et croustillante à l’extérieur grâce aux feuillets formés par les couches.
- Filmer au contact et laisser reposer au minimum 30 minutes à 1 heure au frais. Abaisser une dernière fois à une épaisseur comprise entre 2,5 mm et 3,5 mm avant de détailler les pièces.
- Pour les croissants, dans une abaisse large de 48 cm, découpez trois bandes de 16 cm puis six triangles dans chaque bande. Pour les pains au chocolat, dans une abaisse mesurant 45 cm sur 51 cm, découpez six bandes de 8,5 cm puis trois bandes de 15 cm. Utilisez toujours un couteau pour couper les bandes d’un geste droit sans écraser la pâte afin de ne pas nuire à son développement. Réservez sur plaque au frais.
- Le façonnage : pour les croissants, entailler délicatement la base de chaque triangle au milieu avec un couteau avant de les rouler sur eux-mêmes en appuyant uniquement sur les deux pointes du triangle. Pour les pains au chocolat, déposez les barres de chocolat puis enroulez-les tout en veillant à ne pas écraser ni déchirer la pâte. Positionnez ensuite la clé ou la soudure fine du rouleau en dessous pour éviter toute ouverture ou déformation lors de la cuisson. À cette étape, il est possible de congeler les pièces façonnées crues. Disposez-les sur une plaque recouverte de papier cuisson en veillant à laisser suffisamment d’espace entre elles pour leur expansion. Conservation : jusqu’à 7 jours.
- Laisser pousser pendant 1 à 2 heures à environ 25-27 °C dans un endroit abrité des courants d’air afin d’éviter que les matières grasses ne fondent et que le feuilletage ne se perde. Vous pouvez également placer un bol d’eau bouillante dans un four éteint pour maintenir une bonne humidité ambiante. Vérifiez le développement en effectuant une légère pression avec votre index sur la pâte ; si le creux disparaît rapidement, continuez la pousse ; s’il disparaît lentement, il est temps d’enfourner. Attention : une pousse trop longue peut ralentir le développement lors de la cuisson.
- Laisser revenir les pièces à température ambiante (si vous utilisez une étuve), puis dorez-les délicatement au pinceau pour éviter les coulures excessives.
La pousse
Dorez une première fois puis laissez pousser à environ 26-27 °C avec une humidité comprise entre 70 % et 80 %.
Placez un bol d’eau chaude dans le four allumé sans température ou utilisez un bol d’eau très chaude filmé avec quelques trous pour permettre à l’humidité d’échapper.
La marque du doigt doit revenir lentement ; si elle revient trop vite, cela signifie que c’est trop poussé ; si elle ne revient pas assez vite, laissez encore lever.
Laissez reposer pendant cinq minutes à température ambiante avant d’enfourner puis redorez.
Cuisson
Enfournez à 160-170 °C pendant environ 15 minutes en chaleur tournante sur plaque perforée au milieu du four ; laissez refroidir sur grille après cuisson.
La pâte feuilletée

Il existe une multitude de méthodes pour préparer la pâte feuilletée, chacune se distinguant généralement par le nombre de plis ou de tours effectués.
La méthode rapide, souvent appelée méthode hollandaise, se différencie de la méthode classique, connue sous le nom de méthode française, par l’incorporation directe de la matière grasse dans la détrempe. Contrairement à la méthode traditionnelle, où le beurre est ajouté uniquement au début du tourage, cette approche simplifiée produit une pâte qui, bien que plus facile à réaliser, est moins légère et moins gonflée.
La méthode inversée, quant à elle, consiste à envelopper l’abaisse de détrempe dans du beurre manié. Cela signifie que l’on commence avec une abaisse de matière grasse plutôt qu’avec celle de la détrempe. Cette technique donne une pâte plus fondante et friable, idéale pour certaines préparations.
Il existe également des pâtes feuilletées non levées, principalement utilisées pour réaliser des fonds de tartes. Contrairement aux pâtes feuilletées levées, celles-ci ne contiennent pas de levures actives dans leur formulation, ce qui signifie qu’elles n’ont aucune activité fermentaire. En conséquence, le volume obtenu après cuisson est généralement inférieur.
Une pâte feuilletée non levée est principalement composée de farine de blé et d’eau. L’ajout de matière grasse lors du mélange ou du pétrissage est facultatif ; cependant, il permet d’assouplir la matrice de pâte et d’en diminuer la résistance, rendant ainsi la préparation plus souple et extensible. Une quantité significative de matière grasse est incorporée à la pâte lors du tourage, bien que celle-ci soit inférieure à celle utilisée pour les pâtes feuilletées classiques. L’incorporation peut se faire selon différentes méthodes, influençant ainsi la qualité du feuilleté. Les matières grasses couramment utilisées incluent des graisses solides à température ambiante telles que les margarines (composées jusqu’à 80 % de triglycérides), les shortenings ou le beurre.
Le principe de la méthode inversée
Dans cette approche, la détrempe est placée à l’intérieur tandis que le « beurre manié » se trouve à l’extérieur, contrairement à une pâte feuilletée classique.
Pour réaliser cette recette, on effectue deux tours portefeuille suivis d’un tour simple, au lieu des deux tours simples et d’un tour portefeuille requis pour la pâte feuilletée traditionnelle.
Commencez par dissoudre le sel dans l’eau et le vinaigre. Ensuite, versez la farine tamisée dans la cuve du robot et ajoutez lentement l’eau salée vinaigrée tout en travaillant avec le fouet jusqu’à obtenir une consistance homogène. Incorporez ensuite le beurre fondu refroidi et mélangez à petite vitesse jusqu’à ce que la pâte soit lisse. Formez un rectangle avec cette pâte et laissez-la reposer au réfrigérateur pendant au moins une heure.
Pour le beurre fariné : utilisez 375 g de beurre de tourage et 150 g de farine T45. Coupez le beurre en petits cubes dans la cuve du robot, ajoutez-y la farine et mélangez à petite vitesse jusqu’à ce que la farine soit complètement absorbée par le beurre. Aplatissez ce mélange en lui donnant une forme rectangulaire et réservez-le au réfrigérateur pendant au moins une heure.
Le tourage
Étalez la détrempe en forme de rectangle sur un plan de travail légèrement fariné. Étalez également le beurre fariné en veillant à ce qu’il soit deux fois plus grand que la détrempe. Placez alors la détrempe contre un bord du beurre fariné et pliez-le en deux pour enfermer la détrempe. Étalez ce début de feuilletage en longueur jusqu’à obtenir une épaisseur d’environ 8 mm avant d’effectuer un tour double. Filmez-le et laissez reposer au réfrigérateur pendant un minimum de 2 heures. Étalez à nouveau le feuilletage, réalisez un second tour double et réservez-le encore 2 heures au frais. Étalez une dernière fois le feuilletage et effectuez un tour simple ; tapotez délicatement la pâte au rouleau pour bien souder les couches.
Explications utiles
Pourquoi ajouter du vinaigre dans les pâtes feuilletées ? Tout simplement pour améliorer leur conservation ! Sachez qu’il est possible d’étaler cette préparation sur une période allant jusqu’à 48 heures si cela vous arrange, ce qui permet d’éviter l’apparition de petits points noirs indésirables.
Concernant le tourage, ne tombez pas dans l’erreur commune qui consiste à penser qu’un nombre accru de tours garantit un meilleur feuilletage ; les professionnels vous diront que ce n’est pas toujours vrai !
La quantité d’eau nécessaire pour la détrempe peut varier selon le pouvoir d’absorption de votre farine. Il est recommandé d’incorporer l’eau progressivement. Une détrempe trop molle ne permettra pas d’obtenir un beau feuilletage.
Pour le beurre, optez pour un beurre « sec » tel que « Grand Fermage » si vous ne trouvez pas un vrai beurre de tourage contenant 84 % de matière grasse ; c’est sans conteste le meilleur choix.
Si votre pâte se rétracte lorsque vous découpez avec un emporte-pièce… Lorsque vous l’étalez (à une épaisseur recommandée entre 1,5 mm et 2 mm selon l’usage), pensez à soulever régulièrement la pâte du plan de travail pour lui permettre de se détendre.
Si votre pâte rétrécit à la cuisson : cela peut être dû à un temps d’attente insuffisant entre les différentes phases. Pensez à recouvrir votre plaque avec du papier sulfurisé. Humidifiez-le légèrement avec un pinceau avant de terminer votre dressage et laissez toujours reposer vos préparations au moins 1 heure au réfrigérateur avant cuisson ; cela optimisera vos chances !
Voilà maintenant que vous disposez des clés et des secrets nécessaires ! J’espère sincèrement que vous réussirez votre feuilletage dès votre premier essai ; sinon, n’hésitez pas à faire appel à mes services !

L’auteur de ce post
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